30 Avr SÉDUIRE SON PUBLIC ?
La Marquise : Il me semble que, depuis quelques semaines, vous êtes un peu distrait, me trompe-je ?
Moi : Vous ne vous trompez pas du tout. Pour tout vous dire, je suis préoccupé par une conférence que je vais donner samedi prochain à l’autre bout du monde, à Tbilissi en Géorgie.
La Marquise : Dans le Caucase ? Merveilleux ! Le pays de Prométhée et de Médée !
Moi : Exactement ! Et je me ronge les sangs pour trouver une formule d’introduction qui puisse flatter mes auditeurs — des profs et des étudiants de la grande université de là-bas.
La Marquise : Quel est le sujet de cette conférence ?
Moi : « Humanisme et religion, une histoire fratricide »
La Marquise : Sujet brûlant, avec Érasme à la clé, et l’Inquisition, je parie ?
Moi : Absolument ! Mais ce sera inévitablement un peu érudit.
La Marquise : Et quelle formule avez-vous trouvée pour les amadouer ?
Moi : Au détour d’un livre sur la littérature géorgienne, j’ai découvert un proverbe de chez eux qui dit : « Le Diable occupe les églises abandonnées ».
La Marquise : Joli, en effet, et en plein dans le sujet. Comment comptez-vous l’utiliser ?
Moi : Je crois que je vais le dire en géorgien, à la fin de mon spitche. C’est quelque chose dans le genre : Oupatrono eklesias eshmaki daepatroneno.
La Marquise : Alors, bonne chance ! Vous nous raconterez au retour comment s’est passée la séance ?
Moi : Bien sûr, sans faute ! Je reviens le 11 mai.
La Marquise : Une dernière question : Qui est ce vieux monsieur d’un autre siècle, avec son air débonnaire ?
Moi : C’est Ilia Tchavtchavadzé, le grand écrivain dont l’université porte le nom. Il a été assassiné en 1907 et l’immonde Béria a organisé des cérémonies grandioses pour le centenaire de sa naissance en 1937.
La Marquise : Je me suis laissé dire qu’il avait été canonisé par l’Église géorgienne en 1987. N’est-ce pas paradoxal ?
Moi : C’est le moins qu’on puisse dire. Mais c’est une autre histoire.
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