27 Fév MÉFIONS-NOUS DU GÉNÉRAL
— De Gaulle ? demande la Marquise.
— Mais non ! Il ne s’agit pas de lui, bien que le « Je vous ai compris ! » de Macron ait sonné un peu faux.
— Alors, de qui ?
— Il s’agit simplement du « général » qui est le contraire du « particulier ». Je veux dire que, si vous voulez entraîner l’adhésion de votre auditoire, vous devez donner la priorité au concret, à l’exemple.
— Ce qui veut dire ?
— Ce qui veut dire que, la semaine dernière, n’importe quel « pied-noir » pouvait se croire accusé par Emmanuel Macron d’avoir commis des crimes contre l’humanité, ce qui est évidemment très injuste. J’en ai eu la confirmation hier avec un vieil ami, natif de Mondovi en Algérie (le village où est né Albert Camus, devenu Dréan après l’indépendance), qui est arrivé en France en 1962, quand il avait 13 ans.
— Racontez-moi cela !
— Léon, le père de mon ami était un fils d’Italiens, né à Annaba (Bône à l’époque) et ouvrier mécanicien dans un garage à Constantine. Sa mère Rachel venait d’une très ancienne famille juive originaire de Batna dans les Aurès. Elle a passé son enfance dans le quartier misérable de Kar Sharah à Constantine. Quand elle a rencontré le séduisant mécanicien, elle s’est faite catholique pour pouvoir l’épouser. Ils sont ensuite allés vivre près de Mondovi où il a trouvé du travail comme contremaître chez un très gros colon. Elle a travaillé comme infirmière au centre de santé local. Mon ami est par la suite devenu ingénieur, pionnier de l’écologie et militant anticolonial très actif dans les années 1970. Il a soutenu Macron dès le début de la campagne, mais m’a dit avoir été choqué par sa déclaration d’Alger.
— Lui avez-vous donné votre version ?
— Bien sûr ! Je lui ai parlé des abominations commises par Saint-Arnaud et consorts pendant la conquête, et de la torture pratiquée à grande échelle contre les civils pendant la guerre d’indépendance.
— Comment a-t-il réagi ?
— Convaincu à 100 % par l’évocation des cas concrets. Cela permet de ne pas mettre tout le monde dans le même panier.
— Faut-il aller jusqu’à citer les noms des gens ?
— Pour Saint-Arnaud (dont le portrait s’affiche en haut de ce billet) ou Bugeaud, bien sûr ! Pour les particuliers, il faut leur donner des noms fictifs, comme le font les médecins dans les « vignettes cliniques ». Le père de mon ami ne se prénommait pas Léon, ni sa mère Rachel, mais personne ne contestera la véracité de l’exemple.
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