22 Août ENTRACTE : PIC DE LA MIRANDOLE OU LA DOUBLE MÉPRISE
— Grands dieux ! dit la Marquise, que voici un titre marivaldien ! (Faut-il dire marivaudien ? Je me le demande. En fait, j’ai entendu l’autre jour un pontifiant qui parlait de « déconstruction foucaldienne » et j’ai trouvé cela très chic).
— Oui, j’ai voulu un titre « à la Marivaux » pour rester un peu dans le théâtre. Cela fera une diversion au milieu de nos dissertations hamlettiennes. Je persiste à croire que le lecteur, comme le spectateur, s’ennuie facilement.
— Très bien, mais qu’est-ce que Pic vient faire là-dedans ?
— Pur hasard du calendrier. La revue Philomagazine, avec qui j’avais monté un divertissement scénique à Grignan il y a quelques temps, voulait publier un dossier sur Pic de la Mirandole. Connaissant l’extraordinaire étendue de ma culture et la finesse de ma plume (en toute modestie), ils m’ont demandé quelques élucubrations sur le fameux Discours sur la dignité de l’homme. Or, il se trouve que nous allons bientôt publier les 900 Conclusions de Pic dans ma collection aux éditions des Belles Lettres. Je suis donc dans le bain jusqu’au cou et je leur ai pondu quelques pages, qui donnent un son de cloche légèrement différent de l’enseignement officiel sur Pic de la Mirandole (il paraît que même Luc Ferry a disserté sur le sujet, en disant pas mal d’âneries). Je vous en livre donc le début.
« PIC DE LA MIRANDOLE OU LA DOUBLE MÉPRISE
Un prince romanesque
Il est italien, noble, jeune, beau, intelligent et riche. Rien ne lui résiste, même pas les femmes. Au mois de mai 1486, alors qu’il se prépare à disputer la controverse romaine décisive, il se rend de Florence à Pérouse et fait étape à Arezzo. Marguerite, la séduisante épouse du percepteur d’impôts de l’endroit, tombe, dit-on, follement amoureuse de lui et le rejoint alors qu’il va quitter la ville. Le couple, protégé par l’escorte du prince, s’enfuit au triple galop. Le mari cocufié se lance à leur poursuite et les rejoint un peu plus loin. Bataille rangée. Le mari revient victorieux, laissant néanmoins quinze morts sur le terrain.
Mais tout cela ne suffit pas au prince. Il veut encore la gloire. Alors que les jeunes aristocrates de son temps ne rêvent que de guerres et de tournois, lui rêve de triompher dans les débats philosophiques. À 23 ans, il a quitté le château familial depuis six ans et beaucoup voyagé et étudié à travers l’Europe. Il vit maintenant à Florence, fréquentant la fine fleur des humanistes de la fastueuse cour de Laurent de Médicis. Il veut modestement être reconnu comme le plus grand philosophe de son époque, car il estime avoir résolu les questions les plus difficiles de la philosophie de tous les temps — notamment l’épineuse affaire de la contradiction entre Aristote et Platon. Il a résumé ses analyses dans 900 « Conclusions » qu’il s’apprête à publier à Rome. Mais un livre ne lui suffit pas, il lui faut une consécration officielle, comme en reçoivent périodiquement les poètes. Pétrarque n’a-t-il pas été publiquement couronné de lauriers un siècle plus tôt sur le Capitole ? […]»
Si vous voulez lire la suite, vous n’aurez qu’à acheter le numéro de septembre de Philomagazine, en vente dans tous les bons kiosques (sinon, volez-le, comme disait feu Hara-Kiri, journal bête et méchant, au temps de ma jeunesse).
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